Dizionario di eretici, dissidenti e inquisitori nel mondo mediterraneo
Edizioni CLORI | Firenze | ISBN 978-8894241600 | DOI 10.5281/zenodo.1309444
TOLEDO (DISTRICT INQUISITORIAL)
par Jean Pierre Dedieu
Les "inquisiteurs de l'archevêché de Tolède" résidèrent d'abord à Ciudad Real, à partir de septembre 1483. En mai 1485, ils se transportent à Tolède, qui restera leur siège jusqu'à la disparition définitive du tribunal, avec le reste des inquisitions espagnoles, en 1820. Son district se constitue assez rapidement sur la base de l'archevêché de Tolède, y compris sa partie située en Estrémadure. Il abandonne à l'inquisition de Jaén, puis à celle de Cordoue, l'enclave de Cazorla, trop lointaine, l'archiprêtré d'Alcaraz et le Campo de Montiel (1488). Entre 1506 et 1522, l'évêché de Sigüenza lui est nominalement rattaché. Il annexe Guadalupe en 1522 et en 1528, il intégre quelques villages de l'évêché de Ségovie et la partie de l'évêché d'Avila située au sud de la Cordillère Centrale, pris sur Valladolid. Les juges ajoutent alors à leur titulature le titre d'inquisiteurs "des évêchés d'Avila et de Ségovie en-deça des Monts" ("Inquisidores… de los obispados… de Avila y Segovia de los Montes acá"). Avec 48 000 km², c'est le second district d'Espagne par la taille, après Valladolid. Il comprend Tolède, l'une des principales villes du royaume, siège d'un puissant archevêché, Madrid, qui devient la capitale politique de la Monarchie en 1562, et Alcalá de Henares où, en 1499, le cardinal Cisneros créée l'une des principales universités espagnoles. La proximité de la capitale en fait, au XVIIe siècle, le tribunal le plus prestigieux dans le cursus inquisitorial. Il perdra ce rang dans la seconde moitié du XVIIe siècle avec la montée en puissance et la progressive prise d'indépendance à Madrid d'une 'inquisition de la Cour', à l'origine simple sucursale de lui-même.
L'installation s'est faite sans heurts notables, à l'exception d'une conspiration pour assassiner les juges, rapidement déjouée par le corregidor de Tolède en 1485. La concurrence d'une inquisition spécifique à l'ordre Hyéronimite, très active au monastère de la Oliva, aux portes mêmes de Tolède (1486-1491), est surmontée avec l'abolition de cette juridiction particulière. Le tribunal prend en main son territoire en se transportant méthodiquement, pour des séjours de plusieurs mois dans chacun des villes principales: Ocaña (1488), Talavera (1489), Madrid (1490 et 1492), Torrelaguna (1492). Une tentative de résistance des Mendoza, ducs de Pastrana, qui prétendent préserver leurs terres de l'inquisition, est brisée lors d'un déplacement du tribunal a Guadalajara, leur fief (1492-1493). A partir de cette date, l'inquisition devient totalement sédentaire: des inquisiteurs iront en 'visite du dictrict', mais les juges ne se déplaceront plus en corps.
Comme toute l'inquisition espagnole, celle de Tolède se consacre dans un premier temps aux nouveaux chrétiens de juifs: publication d'édits de grâce, recueil massif de dénonciations, procès de masse. Vers 1500, un mouvement prophétique parmi les nouveaux convertis, précédemment réconciliés, exilés aux limites de l'Estrémadure, est reprimé dans la région d'Herrera del Duque. La proportion des judaïsants parmi les accusés dépasse à cette époque les 90%.
Très forte dans un premier temps (275 causes par an, en comptant quelques 8 000 réconciliations en temps de grâce), l'activité décroit dés les premières années du XVIe siècle, faute de matière, le judaïsant se faisant rare. Le tribunal traverse alors une crise profonde. Les salaires dependant de l'activité, les juges se consacrent à d'incessantes tournées dans le district à la recherche d'accusés: en priorité, à la demande expresse de la monarchie, les "inhabilités", descendants de condamnés qui enfreignent les interdictions professionnelles prononcées contre eux; accessoirement le menu fretin des blasphémateurs de tout poil. Quelques grosses affaires contre les rares morisques de la région génèrent une documentation remarquable mais n'amènent guère d'argent dans les caisses. Les procès contre les "illuminés" (alumbrados), aux alentours de 1530 (Rodrigo de Vivar, María de Cazalla), suscitées par la vigueur du foyer spirituel que constitue l'axe Tolède - Alcalá - Guadalajara, marquent des moments importants dans l'histoire religieuse de l'Espagne, mais ne suffisent pas à donner au tribunal une activité réelle. Au milieu du siècle, dans une lettre au Conseil, l'un des deux inquisiteurs alors en poste envisage sérieusement la fermeture d'un tribunal sans activité, sans prestige, au bord de la ruine, en butte à une mauvaise volonté évidente des autorités locales.
Tout change brutalement lorsque la monarchie, poussée par la papauté d'un côté, par l'inquisiteur général Valdés de l'autre, se lance dans l'épuration des milieux 'spirituels' étiquetés désormais 'luthériens'. En quelques années, profitant de dispositions prises au niveau de la catholicité toute entière les principaux problèmes sont résolus. Si, dans la distribution des prébendes concédées par la papauté à l'inquisition espagnole, le tribunal de Tolède échoue dans la saisie de celle d'Alcalá devant la résistances des chanoines de la basilique Saint-Just-et-Pasteur, il est mis en possession de celles de Tolède (1559) et de Talavera de la Reina (1565). Les sommes ainsi collectées étant insuffisante, l'inquisiteur général lui attribue les prébendes inquisitoriales d'Avila et de Ségovie, au détriment de l'inquisition de Valladolid. Des dispositions royales leur accordant une série de privilèges permet la constitution rapide d'un réseau de commissaires et de familiers qui couvre le district tout entier: s'il est permis de douter de son efficacité policière, son efficacité sociale en terme d'alliance entre l'inquisition et les élites locales est indiscutable. L'activité repart en flèche, d'abord contre les protestants, presque exclusivement des étrangers, puis au service de la pédagogie nouvelle de l'Eglise de la contre - réforme, dans des campagnes ciblées à l'encontre des vieux-chrétiens qui dénient au clergé le droit de fixer les normes morales, contre les morisques déportés de Grenade enfin, qui jouent un rôle important, bien que non majoritaire, dans l'activité entre 1570 et 1611.
Nouveau déclin ensuite. Les difficultés de l'économie castillane provoquent une contraction des recettes qui améne à son tour des retards importants dans le paiement des salaires. Les employés, plus qu'aux affaires de foi, préfèrent se consacrer à l'expédition des enquêtes de pureté de sang exigées des futurs commissaires et familiers, qui génèrent de jolis dessous de table. L'activité en direction des vieux-chrétiens se ralentit considérablement, du moins dans ses formes judiciaires, peut-être parce que les objectifs ont été atteints, peut-être parce que des résistances se font jour. Seuls les procès pour magie se maintiennent, voire augmentent, essentiellement à Madrid, . L'importante communauté marrane, qui s'est installée dans le district et sur laquelle le tribunal accumule les soupçon et les preuves d'infidélité, protégée par le roi dont elle gère les finances, ne peut faire l'objet de procès systématiques. Il faut attendre la suspension des paiement de l'Etat, en 1647, pour que le souverain autorise des poursuites, destinées dans son esprit à faire pression sur ses créanciers plutôt qu'à réprimer leur attachement à la 'loi de Moïse'. Le Conseil pilote l'opération, en organisant un pool commun pour le traitement des affaires entre le 'bureau de la cour' (despacho de corte), section autonome du tribunal de Tolède installée à Madrid, l'inquisition de Tolède, l'inquisition de Cuenca, qui s'échangent informations et prisonniers, et les Finances royales qui se chargent de la gestion des biens placés sous séquestre.
Le siècle et demi qui suit n'est, pour ce que nous savons du moins, qu'une longue létargie, que ne suffissent à vaincre les quelques dizaines d'affaire contre des marranes jugées entre 1720 et 1725. Le réseau d'agents locaux s'effiloche. Les caisses sont vides, les employés du tribunal inactifs. La cour juge essentiellement des affaires de sacristie et des querelles de dévots, à raison de quelques dossiers par an. L'activité inquisitoriale est concentrée à Madrid, qui désormais ne relève plus de Tolède. La fermeture du tribunal par les Français, qui occupent la ville de 1808 à 1813, son rétablissement par Ferdinand VII en 1814, sa fermeture définitive, sans violences, en 1820semblent n'être que l'épilogue d'une longue agonie.
Les archives du tribunal de l'inquisition de Tolède comptent parmi les mieux conservées, et sont les plus facilement accessibles, à Madrid. Ce trait, joint à l'importance du tribunal dans le dispositif inquisitorial, en a fait un favori de l'historiographie. C'est à partir de lui, ou en grande partie à partir de lui, qu'ont été élaborés la plupart des modèles qui ont servi ou servent de référence pour l'histoire de l'inquisition espagnole (Beinart, Dedieu, Henningsen et Contreras, Pastore). Toutefois, les parties les plus anciennes de cette historiographie partagent la faiblesse de la plupart des études sur l'inquisition espagnole qui ignorent le rôle informel joué par le tribunal en dehors des causes de foi proprement dites.
Bibliographie
- Beinart, Haim. 1974-1981. Records of the trials of the Spanish Inquisition in Ciudad Real. Jérusalem. The Israel Academy of Sciences and Humanities.
- Beinart, Haim. 1981. Conversos on Trial. The inquisition in Ciudad Real. Jerusalem, The Magnes Press.
- Contreras, Jaime et Dedieu, Jean Pierre. 1993. "Estructuras geográficas del Santo Oficio en Españaé. In Pérez Villanueva, Joaquín et Escandell Bonet, Bartolomé (dir.). 1993. Historia de la Inquisición en España y América, vol. II, Las estructuras del Santo Oficio, Madrid, BAC, pp. 3-48.
- Dedieu, Jean Pierre. 1979. Les quatre temps de l'Inquisition, In Bennassar, Bartolomé, L'Inquisition espagnole, XVe-XIXe siècle. Paris, Hachette.
- Dedieu, Jean Pierre. 1989. L'administration de la foi. L'inquisition de Tolède (XVIe - XVIIIe siècle). Madrid, Casa de Velazquez.
- Pastore, Stefania. 2003. Il vangelo e la spada. L'inquisizione di Castiglia e i suoi critici (1460-1598). Rome, Edizioni di Storia e Letteratura.
Article written by Jean Pierre Dedieu | Ereticopedia.org © 2014
et tamen e summo, quasi fulmen, deicit ictos
invidia inter dum contemptim in Tartara taetra
invidia quoniam ceu fulmine summa vaporant
plerumque et quae sunt aliis magis edita cumque
[Lucretius, "De rerum natura", lib. V]